Nouvelle percée dans la nanoélectronique

Un transistor à base de nanorubans de graphène

29 nov. 2017 | KARIN WEINMANN

Les transistors à base de nanostructures de carbone, qui semblaient il y a peu relever de la pure science-fiction, sont en passe de devenir une réalité beaucoup plus tôt que prévu. Pour la première fois en effet, une équipe internationale de chercheurs en parvenue, avec le concours de l'Empa, à produire des nanotransistors sur des nanorubans de graphène (NRG) d'une largeur de seulement quelques atomes, comme le relate le dernier numéro de la revue technique «Nature Communications».

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La scientifique de l'Empa Gabriela Borin Barin diffuse des molécules spécialement préparées sous vide poussé pour faire croître les nanorubans de graphène.

Les propriétés électriques particulières de ces nanorubans de graphène, dont la largeur dépasse à peine une poignée d'atomes, pourraient en faire des candidats particulièrement prisés pour la nanoélectronique du futur: si le graphène, constitué d'une seule couche d'atomes de carbone en forme de nid d'abeille, est un excellent conducteur, il peut également être configuré sous forme de semiconducteur en nanorubans. La «bande interdite», autrement dit la zone dans laquelle aucun électron ne peut se trouver et qui confère à ce matériau ses propriétés semiconductrices pour fonctionner comme un commutateur électronique, serait suffisamment large pour en faire un élément potentiellement central des nanotransistors.

Les infimes détails qui composent la structure atomique de ces nanorubans de graphène ont cependant un effet massif sur la largeur de la bande interdite et, par conséquent, sur les performances des nanorubans en tant que composants des transistors. Les caractéristiques de la bande interdite dépendent d'une part de la largeur du nanoruban, d'autre part de la structure des bords. Étant donné que le graphène est constitué d'hexagones de carbone de géométrie équilatérale, la bordure peut être exposée en forme de zigzag ou de chaise («armchair»), suivant l'orientation des rubans. Alors qu'une bordure en zigzag constituée de métal est par définition conductrice, elle devient en revanche semiconductrice lorsqu'elle adopte la forme en chaise.

Il en résulte un défi de taille en matière de production de nanorubans: lorsque la couche de graphène est découpée ou composée par sectionnement de nanotubes de carbone, il peut arriver que les bords présentent des irrégularités, et donc que les propriétés électriques souhaitées ne soient pas atteintes.

Des semiconducteurs à base de neuf atomes
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Les bandelettes microscopiques sont disposées en croisillons sur le substrat à base d'or.

Les chercheurs de l'Empa, en collaboration avec leurs collègues de l'Institut Max-Planck de recherche sur les polymères de Mayence et de l'Université de Californie à Berkeley, sont parvenus à faire «croître» des rubans partir de molécules précurseurs d'une largeur d'exactement neuf atomes en les dotant d'une bordure régulière en forme de chaise. Pour ce faire, les molécules spécialement conçues ont été vaporisées en milieu ultravide. Comme les pièces d'un puzzle, elles ont été «assemblées» au terme d'un procédé en plusieurs étapes à la surface d'une base en or jusqu'à adopter la forme de ruban souhaitée, sur environ un nanomètre de large et jusqu'à 50 nanomètres en longueur.

Ces structures, visibles seulement sous microscope à effet tunnel, présentent une lacune énergétique relativement élevée et, surtout, qui est désormais définie de manière beaucoup plus précise, ce qui permet aux chercheurs d'envisager d'aller un peu plus loin et d'intégrer les rubans de graphène dans des nanotransistors. La première phase d'essai s'était révélée peu fructueuse: la différence mesurée entre le flux de courant à l'état «allumé» (c'est-à-dire avec la tension appliquée) et à l'état «éteint» (sans tension appliquée) était en effet beaucoup trop faible. Ce problème était dû à la couche diélectrique d'oxyde de silicium qui place les épaisseurs semiconductrices au contact du commutateur électrique : pour présenter les propriétés souhaitées, ces couches devaient être d'une épaisseur suffisante, de l'ordre de 50 nanomètres, ce qui influait alors sur le comportement de électrons.

Par la suite, les scientifiques ont réussi à réduire massivement la couche de matériau diélectrique en remplaçant l'oxyde de silicium par de l'oxyde de hafnium (HfO2). Dès lors, l'épaisseur obtenue a été réduite à 1,5 nanomètre à peine, tandis que le courant à l'état «allumé» du transistor a été augmenté de plusieurs puissances de dix.

Un autre problème initialement rencontré était celui de la «construction» des nanorubans de graphène dans le transistor. Dorénavant, les rubans ne devraient plus être disposés en croisillons sur le substrat, mais alignés à l'exacte perpendiculaire du canal du transistor, ce qui permettra de réduire sensiblement la proportion de nanotransistors non fonctionnels.


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Karin Weinmann
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Emission de radio sur RTS, CQFD, du 1 décembre 2017.