Produire de l’hydrogène grâce à la «photosynthèse artificielle»

Une protéine d’algues renforce la scission électrochimique de l’eau

19 déc. 2011 | REMIGIUS NIDERÖST

La production d’hydrogène par scission de l’eau dans des cellules photoélectrochimiques est une voie prometteuse pour la production de carburants durables. Une équipe de scientifiques suisses et des USA a développé récemment des électrodes hautement efficientes – à base de protéines d’algues qui ont aussi une fonction décisive dans la photosynthèse naturelle.

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Film de nanoparticules d’hématite (rouge) et de phycocyanine réticulée (vert). (Photo: Dr. E. Vitol, Argonne National Laboratory)

 

La photosynthèse est considérée comme la «pierre philisophale» en matière de production d’énergie durable; elle transforme directement l’énergie solaire en un carburant stockable et ne nécessite comme matière de départ que du dioxyde de carbone et de l’eau. Les scientifiques s’efforcent depuis longtemps déjà d’imiter la photosynthèse naturelle pour l’utiliser à des fins techniques. C’est ainsi que les cellules photoélectrochimiques (CPE) décomposent l’eau par voie électrochimique et produisent ainsi directement de l’hydrogène, sans avoir à faire le «détour» par la photovoltaïque pour produire l’énergie nécessaire à la scission de l’eau comme c’est le cas pour l’électrolyse de l’eau.

 

Les électrodes utilisées dans les CPE sont normalement constituées de semi-conducteurs tels que des oxydes métalliques dont certains ont aussi une action catalytique. Les chercheurs du laboratoire «Céramiques hautes performances» de l’Empa travaillent depuis quelques temps déjà sur les nanoparticules de ces oxydes métalliques – par exemple sur les nanoparticules d’oxyde de titane – pour l’épuration des polluants organiques dans les eaux et dans l’air. Ils sont maintenant parvenus, en collaboration avec des collègues de l’Université de Bâle et du «Argonne National Laboratory» aux USA à développer des électrodes pour les CPE qui sont deux fois plus efficientes que les électrodes en oxyde de fer pour produire de l’hydrogène par scission de l’eau. Ces électrodes «nano-bio» sont constituées de particules d’oxyde de fer couplées à une protéine tirée des algues bleues (aussi connues sous la dénomination de cyanobactéries).

 

La photosynthèse naturelle comme inspiration
Les oxydes de fer, et en particulier l’hématite (alpha-Fe2O3), sont des matériaux prometteurs pour les électrodes des CPE car ils absorbent aussi la partie visible du rayonnement solaire et sont ainsi plus efficaces que, par exemple, les électrodes en TiO2 qui ne peuvent utiliser que sa fraction ultraviolette. De plus l’hématite est bon marché et disponible en grandes quantités.

 

Le deuxième composant de cette électrode d’un type nouveau est la phycocyanine, une protéine tirée des algues bleues. «La machinerie photosynthétique naturelle des cyanobactéries, dans laquelle la phycocyanine est le composant essentiel pour capter la lumière, m’a inspiré ; je désirais en quelque sorte reproduire la photosynthèse en utilisant des céramiques et précisément cette protéine», se souvient Debajeet K. Bora qui a développé cette nouvelle électrode dans le cadre de sa thèse de doctorat effectuée à l’Empa. «Le concept de la fonctionnalisation de l’hématite à l’aide de protéines était totalement inconnu dans la recherche sur les CPE.»

 

Après que Bora ait couplé la phycocyanine avec des nanoparticules d’hématite par des liaisons covalentes et les ait immobilisées dans un film mince, l’hématite ainsi conjuguée absorbait notablement davantage de photons que sans protéine. Le flux de photons sur ces électrodes hybrides était deux fois supérieur à celui d’une électrode «normale» en oxyde de fer.

 

Etonnamment robuste
A la surprise de Bora, la protéine complexée à l’hématite n’était pas détruite lors du fonctionnement de la CPE, cela bien que dans un environnement alcalin et exposé à la lumière elle se trouvait en contact direct avec un photocatalyseur. Dans des conditions à ce point corrosives et agressives, les chimistes s’attendaient à ce que la biomolécule soit totalement dénaturée. «Les photocatalyseurs s’utilisent aussi pour détruire les hydrocarbures polluants sous l’effet de la lumière», explique le chef du projet Artur Braun. «Il semble que nous avons ici un équilibre délicat lors duquel non seulement les molécules organiques survivent à la photocatalyse mais nos catalyseurs céramiques procurent même un avantage: ils doublent le flux de photons. Ce qui est un progrès énorme.»

 

Ce projet a été financé par l’Office fédéral de l’énergie (OFE). Debajeet K. Bora, qui va achever sous peu sa thèse, va poursuivre ces travaux à l’University of California à Berkeley (USA) où il occupera un poste de postdoctorant à partir du début de l‘année 2012.

 
 


 

Bibliographie
Debajeet K. Bora, Elena A. Rozhkova, Krisztina Schrantz, Pradeep P. Wyss, Artur Braun,
Thomas Graule and Edwin C. Constable: Functionalization of Nanostructured Hematite Thin-Film Electrodes with the Light-Harvesting Membrane Protein C-Phycocyanin Yields an Enhanced Photocurrent, «Advanced Functional Materials»

 

 
 

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