«Fungi go classic»

Le violon de l’Empa surpasse un stradivarius

8 sept. 2009 | DANIEL OCHS
Lors des «27. Osnabrücker Baumpflegetagen», une manifestation organisée par le département de l’environnement de la ville d’Osnabrück et la Fachhochschule d’Osnabrück, le «violon-biotech» du chercheur de l’Empa Francis Schwarze a osé, et remporté, une confrontation à l’aveugle avec un stradivarius. Avec bravoure son violon construit avec du bois traité par des champignons lignivores a remporté la victoire sur le Stradivarius datant de 1711.
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Caché aux yeux du public, le violoniste anglais Matthew Trusler jouait cinq violons différents. (Photo: Egmont Seiler)


Le 1er septembre tout se jouait pour le chercheur de l’Empa et le luthier suisse Michael Rhonheimer: leurs violons construits avec du bois traité par des champignons lignivores entraient en compétition dans un test à l’aveugle avec un «Strad » du maître luthier de Crémone datant de 1711. Pour ce test, le jeune et brillant violoniste anglais Matthew Trusler jouait caché derrière un rideau, invisible du public. Les cinq violons en compétition étaient le Stradivarius d’une valeur de 2 millions de dollars que possède Trusler, deux violons réalisés en bois traité par des champignons lignivores et deux instruments en bois non traité construits par Michael Rhonheimer. L’appréciation de la sonorité des instruments avait été confiée à un jury de spécialistes et au public assistant à cette manifestation. Sur les plus de 180 auditeurs, une majorité écrasante de 90 personnes a accordé ses voix au violon «Opus 58» construit en bois traité par des champignons. Avec 39 voix, le Stradivarius remportait la deuxième place. 113 personnes ont même tenu le violon «Opus 58» pour le Stradivarius. «Opus 58» avait été construit avec le bois traité le plus longtemps par des champignons, soit 9 mois.

 

 
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  Les cinq violons testés, dont l’aspect extérieur était quasiment identique. (Photo:Egmont Seiler)
 

 

Scepticisme vis-à-vis des tests à l’aveugle
Le chercheur de l’Empa Francis Schwarze est bien conscient que l’appréciation de la sonorité d’un instrument dans un test à l’aveugle est des plus subjectives, et qu’elle relève pour une bonne part de l’expérience et du plaisir sensoriels. «Il n’existe pour cela aucune méthode de mesure physique précise». C’est aussi la raisons de sa nervosité avant le déroulement du test. Depuis le début du 19e siècle déjà, des Stradivarius ont fait l’objet de comparaison à l’aveugle avec d’autres violons de maître. Le test certainement le plus sérieux a été organisé en 1974 par la BBC anglaise. Lors de ce test, les violonistes mondialement connus Isaac Stern et Pinchas Zukerman ainsi que le marchand de violons Charles Beare devaient faire la distinction entre le Stradivarius «Chaconne» datant de 1725, un «Guarneri del Gesu» de 1739 et un violon du maître luthier anglais Roland Praill. Le résultat fut des plus désanchantants. Aucun des participants ne put identifier correctement plus de deux instruments et deux d’entre eux de estimèrent même que le violon moderne était le Stradivarius «Chaconne».

 

Le bois biotech, une révolution pour la lutherie
Les instruments du luthier italien Antonio Giacomo Stradivari passe encore toujours pour être d’une qualité sonore insurpassable. Pour en posséder un, des amateurs sont prêts à payer des millions. Stradivari, qui lui-même ne savait bien évidemment rien de l’existence des champignons lignivores, a bénéficié de l’aide du minimum de Maunders, une petite glaciation qui a régné de 1645 à 1715. Durant cette période, des hivers longs et des étés frais ont provoqué une croissance très lente et régulière du bois, ce qui est considéré comme des conditions idéales pour un bois de lutherie d’excellente qualité.

 

 
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Le chercheur de l’Empa Francis Schwarze (à gauche) avec le violoniste mondialement connu Matthew Trusler. (Photo: Egmont Seiler)

 

 
Horst Heger du conservatoire de musique d’Osnabrück est persuadé que le succès du «violon aux champignons» marque le début d’une révolution dans le domaine musical. «A l’avenir les jeunes talents pourront s’offrir eux aussi un violon possédant la même qualité sonore qu’un Stradivarius au prix vertigineux. D’après son avis la qualité du bois est le facteur le plus important pour la sonorité d’un violon, ce que sont maintenant encore venus confirmer les résultats du test à l’aveugle d’Osnabrück. Les espèces de champignons lignivores utilisées modifient la structure cellulaire du bois, ce qui d’une part diminue la densité du bois et d’autre part le rend plus homogène. «Un traitement du bois par les champignons confère au violon une sonorité plus chaude et plus ronde par rapport à un bois non traité, explique Francis Schwarze.
 
 

 
 

La chaîne de télévision suisse alémanique SF DRS a diffusé le 10 septembre un reportage sur ce thème dans son magazine scientifique «Einstein».