L’Empa mesure les concentrations de cendres volcaniques au Jungfraujoch

De la reconstitution des événements aux pronostics

21 avr. 2010 | REMIGIUS NIDERÖST
L’Empa procède au Jungfraujoch à la mesure en continu de la composition de l’air et livre ainsi des informations précieuses sur la variation des concentrations de polluants provoquées en Suisse par l’éruption du volcan Eyjafjallajökull. Avec ce genre de mesures et à l’aide de modèles de transport atmosphériques, les chercheurs de l’Empa étudient normalement d’où proviennent les émissions de polluants. Si l’on utilise dans la modélisation les données des prévisions météorologiques, il devient alors aussi poossible d’établir des pronostics – et de déterminer ainsi par exemple où le nuage de cendres volcaniques islandaises va se déplacer au-dessu de l’Europe ces prochains jours.
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Au Jungfraujoch, les appareils de mesure de l’Empa ont enregistré depuis le soir du 17 avril plusieurs fortes augmentations successives du dioxyde de soufre (SO2) et des poussières très fines, appelées particules PM10. Normalement, lors d’augmentations de ce genre, la question consiste à déterminer l’origine de ces polluants. Mais ici cette provenance ne faisait aucun doute: ces polluants avaient été transportés depuis l’Islande dans les Alpes suisses avec le nuage de cendre du volcan Eyjafjallajökull.
Les scientifiques de l’Empa qui, en collaboration avec l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), exploitent le réseau national d’observation de la pollution atmosphérique NABEL, tirent des informations importantes de ces mesures – avant tout sur la concentration actuelle et la composition de ces cendres volcaniques. Les concentrations les plus élevées de particules PM10 (soit des particules présentant un diamètre inférieur à 10 micromètres) mesurées ces derniers jours au Jungfraujoch atteignaient environ 30 microgrammes par mètre cube d’air. Les chercheurs de l’Empa vont encore d’ici quelques jours déterminer la composition chimique exacte de ces cendres volcaniques.
 

 
 

Mesures des PM10 et du dioxyde de soufre effectuées par l’Empa au Jungfraujoch: les valeurs augmentent le 18 avril pour diminuer ensuite quelque peu le 19 avril.

 

 
La masse totale des particules – une grandeur décisive
Les mesures en continu effectuées par l’Empa permettent de déterminer les concentrations actuelles de poussières fines et fournissent ainsi des informations décisives pour estimer le danger que représente ce nuage de cendres volcaniques pour les réacteurs des avions. Ces données complètent de manière idéale les mesures par laser Lidar de l’EPF de Zurich et de MétéoSuisse qui fournissent certes des profils verticaux mais par contre pas d’indications fiables sur les concentrations massiques en cendres du nuage. Ces mesures de l’Empa sont encore complétées par toute une série d’analyses effectuées par l’Institut Paul Scherrer (PSI) et qui permettent de déterminer la distribution granulométrique et les propriétés optiques des particules.
 
L’Empa va ainsi procéder ces jours prochains à l’analyse des particules récoltées sur les filtres dans la station de recherche Sphinx située à une altitude de 3571 mètres sur le Jungfraujoch. Ces analyses demanderont toutefois plusieurs jours car, avant l’analyse proprement dite à l’aide d’un spectromètre de masse couplé à un plasma inductif (ICP-MS), les échantillons doivent subir une préparation fort compliquée. D’autres stations de mesure du réseau NABEL, par exemple celle située sur le Rigi, fournissent des valeurs de mesure à différentes altitudes et permettent de déterminer si et à quelle vitesse le nuage de cendres s’abaisse. Une fois réunies, toutes ces données donnent une image plus précise de la situation.
 
Des prévisions à court terme sont possibles – et très demandées
Normalement les chercheurs de l’Empa utilisent les données de leurs mesures des polluants en combinaison avec des modèles d’écoulements atmosphériques – plus précisément des modèles de transport des particules – pour identifier les régions sources des polluants déterminés. Ce modèle fournit des informations sur la provenance de l’air analysé au Jungfraujoch. Mais ce principe peut aussi être inversé: si l’on utilise les prévisions météorologiques, ce même modèle permet de calculer comment un nuage de polluants, tel qu’ici ce nuage volcanique, va se propager depuis son sa source. Cette méthode permet d’établir des prévisions fiables sur deux à trois jours.
 

 
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  Simulation sur ordinateur du déplacement du nuage de cendres pour le 16 avril (à gauche), le 20 avril (au centre) et prévisions pour le 23 avril (à droite).
 

 
Pour ces modélisations, l’Empa utilise le modèle «FLEXPART» et sa ferme de calcul de grande puissance Ipazia. «Les images fournies par la simulation sur ordinateur montrent clairement que le nouveau nuage qui arrive ne touchera au moins pas directement la Suisse jusqu’à vendredi», expliquent Dominik Brunner et Stephan Henne du laboratoire «Polluants atmosphériques/Technique de l’environnement» de l’Empa. «Par contre, l’Angleterre, l’Allemagne et les pays du Benelux pourraient continuer à être touchés plus ou moins fortement». Toutefois, ainsi que le relève Henne, ces pronostics, comme toute simulation sur ordinateur, reposent sur certaines hypothèses, par exemple sur la puissance de la source, autrement dit ici sur la quantité de matériaux rejetés par le volcan. De plus, on ne connaît pas avec précision la composition chimique de ces matériaux ni comment ils sont délavés par la pluie.
L’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) est particulièrement intéressé tant à ces mesures qu’à ces prévisions car c’est à partir d’elles et d’autres données encore qu’il doit décider si une interdiction de vol doit être prononcée, prolongée ou levée.« Personne encore n’est toutefois actuellement mesure de fournir des cartes avec des valeurs absolues dans les différentes couches d’air», souligne Brigite Buchmann qui dirige le laboratoire «Polluants atmosphérique/Technique de l’environnement» de l’Empa. «Nos modélisation confirment cependant au moins les prévisions établies par le Vulcanic Ash Advisory Center anglais.
 
 

 


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