Réunion des techniciens de l’automobile à l’Empa

Les gaz d’échappement des voitures dans le collimateur

20 oct. 2006 | ANTONELLA STABILE

Les dépassements des valeurs limites pour les poussières fines et l’ozone ainsi que les émissions croissantes des gaz à effet de serre – très vite dans la recherche des coupables on regarde en direction des automobiles et des camions. Mais pour combien le trafic automobile contribue-t-il en fait à la pollution atmosphérique? Et comment estimer ou calculer cette contribution? C’est de cela que l’on a discuté lors d’un colloque auquel la Schweizerische Automobiltechnische Gesellschaft (SATG) avait invité à participer à l’Empa. Plus de 80 ingénieurs et spécialistes de la branche automobile y ont appris que ce sont avant tout les installations de climatisation et les démarrages à froid qui contribuent aux émissions de polluants des véhicules automobiles.

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La qualité de l’air s’améliore constamment en Suisse – mis à part dans les grandes agglomérations urbaines. Là, selon Christian Bach qui dirige le Laboratoire Moteurs à combustion de l’Empa, les valeurs enregistrées pour l’ozone et les poussières fines stagnent ces dernières années à un niveau élevé. Ceci est dû avant tout au fait qu’aujourd’hui sur les routes suisses les voitures sont plus nombreuses que jamais et qu’actuellement dans les villes suisses, un nombre toujours plus élevé de voitures «propres» provoque une pollution aussi élevée que naguère un nombre moins élevé de voitures «sales».

 
Martin Weilenmann du Laboratoire Moteurs à combustion de l’Empa lors de son allocution d’ouverture du colloque SATG à l’Académie Empa.
 

Les moteurs Diesel principalement émettent de minuscules particules dont la masse - du fait de leur faible taille – ne semble pas importante mais qui par leur nombre considérable sont considérées comme inquiétantes dans les milieux de la santé. Les 18 pour-cent des poussières fines PM10-  soit les particules d’un diamètre inférieur à 10 micromètres - sortent directement des pots d’échappement. Ces particules sont capables de pénétrer profondément dans les poumons – et non pas seulement dans les voies respiratoires supérieures comme les particules plus grosses provoquées par l’usure mécanique des pneus ou des freins – et de provoquer des maladies respiratoires, voire même des cancers des poumons. «C’est aussi pourquoi nous soutenons les efforts de la Confédération en faveur de l’introduction des filtres à particules pour les principaux responsables de ces émissions que sont les moteurs Diesel», déclare Bach.

 

Dans les villes, à côté des poussières fines, l’ozone est aussi un problème, cela avant tout en été. Il ne suffit de loin pas, selon Bach, de réduire seulement les précurseurs de l’ozone dans les gaz d’échappement. C’est en effet le rapport entre ces substances, telles que les hydrocarbures et les oxydes d’azote, qui font qu’il y a ou non formation d’ozone. Et ce rapport est tout simplement «idéal» pour la formation d’ozone dans les conditions météorologiques estivales. C’est ce que montrent les mesures réalisées par le Laboratoire Polluants atmosphériques de l’Empa. Certains nouveaux systèmes d’épuration des gaz d’échappement conduisent même à une augmentation de la formation d’ozone – cela du fait d’une proportion accrue de dioxyde d’azote dans la fraction des oxydes d’azote; le dioxyde d’azote étant notablement plus réactif que les autres oxydes d’azote, la formation d’ozone se trouve augmentée.

Ce qui est inquiétant, c’est l’augmentation des émissions des gaz à effet de serre, cela malgré de nouvelles lois, le Protocole de Kyoto et la pression internationale. Les moyens techniques, tels que les catalyseurs, ne permettent pas d’empêcher ces émissions. Seuls des véhicules rejetant mois de dioxyde de carbone, par exemple des voitures utilisant du biodiesel produit à partir de colza ou d’autres végétaux, pourraient freiner cette augmentation. Pourtant ce qui semble fort beau sur le papier ne fonctionne pas aussi bien en pratique car la production des biocarburants émet elle aussi des gaz à effet de serre. Pour Christian Bach, le défi à relever est clair: «Parallèlement à une réduction de leurs émissions de particules et d’oxydes d’azote, les véhicules de l’avenir devront surtout consommer moins de carburant».

 
L’Empa travaille au perfectionnement des catalyseurs pour les véhicules à gaz en collaboration avec un constructeur automobile allemand.
 

Nouveaux catalyseurs, nouveaux problèmes

Les problèmes respiratoires que provoquent les teneurs en ozone et en poussières fines trop élevées dans l’air des villes nécessitent de nouveaux systèmes d’épuration des gaz d’échappement. Robert Alvarez, qui travaille lui aussi dans le Laboratoire Moteurs à combustion, a présenté quatre de ces nouveaux systèmes. Au contraire de ce qui se passe dans les catalyseurs usuels, les polluants ne sont pas transformés en substances inoffensives mais entreposées provisoirement dans des «accumulateurs» qui sont «nettoyés» périodiquement.

 

Pour ce «nettoyage» le moteur est mis dans un mode de fonctionnement particulier lors duquel les particules sont brûlées et les oxydes d’azote subissent une réduction chimique. Toutefois certaines de ces phases dites de régénération produisent elles aussi des polluants; par exemple la combustion des particules produit des oxydes d’azote dont la réduction chimique provoque une augmentation de la consommation de carburant. Un aspect dont il faut tenir compte dans le calcul des émissions totales.

Il est aussi nécessaire d’avoir recours à des catalyseurs pour réduire aussi les autres polluants des gaz d’échappement des véhicules à gaz qui produisent eux nettement moins de dioxyde de carbone. Il n’est toutefois pas possible d’utiliser pour cela les catalyseurs du même type que ceux des voitures à essence, car sur les véhicules à gaz le mélange air/carburant est différent. Les scientifiques de l’Empa développent actuellement en collaboration avec un fabricant d’automobiles allemand un catalyseur efficace spécialement adapté aux moteurs à gaz.

 
Le transfert du savoir ne s’effectue pas seulement au moyen de théories et de diagrammes. Les participants ont aussi eu l’occasion de visiter les laboratoires de recherche de l’Empa.
 

Pour combien le démarrage à froid et la climatisation contribuent-ils aux émissions des gaz d’échappement?

«Que vous effectuiez un démarrage à froid en hiver par une température de -20°C ou que vous parcouriez 900 kilomètres à cette même température pour un déplacement d’affaire, les émissions d’hydrocarbure du moteur de votre voiture sont les mêmes». C’est ainsi que décrit Jean-Yves Favez du Laboratoire Moteurs à combustion les émissions provoquées par un démarrage à froid. Leur pourcentage sur les émissions totales augmente de plus en plus du fait que les catalyseurs de la nouvelle génération relâchent de moins en moins de polluants dans l’air à leur température d’exploitation normale de 300°C.

 

Par les chaudes journées d’été, ce sont moins les démarrages à froid que la climatisation des voitures qui contribuent pour une grande part à la pollution par les gaz d’échappement. La valeur de 1,5 pour-cent de l’augmentation de la consommation de carburant provoquée par la climatisation admise jusqu’ici n’est plus valable. Dans les laboratoires de l’Empa, on a déterminé une surconsommation de carburant de 2 à 8 % pour des températures extérieures modérées de 20 degrés. «Au-dessous de 20 degré, arrêtez votre climatisation» c’est ce que recommande Favez. Cette dernière s’enclenche toutefois souvent automatiquement - même aux températures extérieures agréables avoisinant les 20 degrés – afin que les vitres ne se recouvrent pas de buée lorsque l’air est humide.

 

Il y a mesure et mesure

Toutes ces questions sur la réduction des polluants atmosphériques ne peuvent trouver une réponse que grâce à des techniques de mesure raffinées, ce qui pose un défi permanent aux scientifiques et aux ingénieurs de l’Empa. Pourquoi par exemple dans une étude internationale la flotte de véhicules de la catégorie Euro-3 émet en moyenne davantage de polluants que ne l’a montré une étude comparable effectuée en Suisse? Manifestement on accélère plus fortement à l’étranger et il y a davantage d’attente aux carrefours, ce qui augmente les émissions. C’est en tout cas sur de tels cycles de conduite que se basent les séries de mesure de cette étude internationale. Quant à savoir si le comportement de conduite simulé utilisé par ses collègues étrangers est (plus) réaliste, Martin Weilenmann, chef-adjoint du laboratoire Moteurs à combustion, ne peut pas l’affirmer ni l’infirmer. «Il est passablement difficile de simuler le comportement de conduite réel».

Pourtant même si les cycles de conduite utilisés sur les bancs d’essai à rouleau se rapprochent fortement de la réalité, les mesures des gaz d’échappement sont tout sauf triviales. Dans les mesures standards, les gaz d’échappement sont collectés dans un sac en matière plastique durant tout le cycle pour être ensuite analysés. Ces analyses ne fournissent toutefois que des valeurs moyennes qui ne permettent pas de dire dans quelles conditions de conduite les différents polluants ont été produits et en quelles quantités. C’est pourquoi les chercheurs réunis autour de Martin Weilenmann et Christian Bach mesurent dix fois par seconde les principales substances des gaz d’échappement. Avec ces données, ils ont développé le modèle d’émission des gaz d’échappement DIVEM (Dynamic Instantaneuous Vehicle Emission Model) qui permet d’obtenir une estimation des émissions des différentes phases de conduite. Weilemann est satisfait des premiers résultats obtenus avec ce modèle. «Les valeurs fournies par les mesures de contrôle concordent fort bien avec celles du modèle de calcul».

Auteur: Manuel Martin

Rédaction:
Sabine Voser, Section Communication, tél. +41 44 823 45 99,

Pour plus d’informations:
Christian Bach, Chef du Laboratoire Moteurs à combustion, tél. +41 44 823 41 37,
Dr. Martin Weilenmann, Lab. Moteurs à Combustion, tél. +41 44 823 46 79,