«Technology Briefing» sur la raréfaction des matières premières

Pas d’avenir sans métaux rares

30 janv. 2012 | MARTINA PETER

Les ordinateurs portables, les téléphones mobiles et les écrans des téléviseurs LED ne sont pas les seuls receler des métaux rares, on en trouve encore dans les piles solaires, les batteries des véhicules électriques et bien d’autres appareils encore. La demande sans cesse croissante augmente les risques de pénurie.

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Lors de ce «Technology Briefing, les chercheurs de l’Empa ont expliqué pourquoi les métaux rares sont essentiels pour de nombreuses technologies et comment il est possible de faire face à leur raréfaction.

Source: iStock

 

«Il n’y a pas d’avenir sans métaux rares». C’est avec ce message clair que le membre de la direction de l’Empa, Peter Hofer a salué les hôtes du Technology Briefing sur les métaux rares à l’Académie Empa. C’est ainsi que, par exemple, les métaux rares – contenus dans leurs batteries et leurs moteurs – font rouler les véhicules électriques ou qu’ils assurent la dépollution des gaz d’échappement dans les catalyseurs. Selon Hofer, des matériaux aux propriétés particulières sont indispensables pour trouver des solutions à nos besoins de mobilité toujours plus élevés et aux problèmes croissants qui en résultent. Les terres rares, qui comme tout comme le gallium, l’indium, le cobalt et le platine, font aussi partie des métaux rares, permettent par exemple de fabriquer des aimants très puissants pour les turbines des éoliennes. Et pour les condensateurs montés sur les cartes de circuit imprimé des téléphones mobile, la microélectronique a volontiers recours au tantale car ce métal de transition permet de réaliser de minuscules condensateurs possédant une capacité très élevée. La demande est importante: ce domaine d’application consomme en effet plus des 60 pour-cent de la production de tantale.

 

La face sombre
Mais comme en toute chose, il y a aussi le revers de la médaille, comme l’a expliqué Patrick Wäger, initiateur de ce Technology Briefing et expert en métaux rares du laboratoire «Technologie et société» de l’Empa. Les matières premières qui ne sont extraites et raffinées que dans quelques pays uniquement, et qui présentent un faible taux de recyclage, doivent être considérées comme fondamentalement critiques. La Chine, par exemple, détermine pratiquement totalement l’offre en terres rares à partir desquelles sont produits par exemple des aimants permanents de très forte puissance. La restriction des exportations décrétée par le gouvernement chinois a conduit à une augmentation des prix et à des difficultés d’approvisionnement. Pour réduire cette dépendance, des efforts importants sont actuellement entrepris pour développer les capacités d’approvisionnement hors de la Chine, par exemple aux USA, en Australie ou au Groenland – avec les conséquences qui en découlent pour l’environnement.

La branche de la microélectronique considère que le tantale utilisé pour la fabrication de microcondensateurs de haute capacité est pratiquement irremplaçable et actuellement il ne peut pas être récupéré sur les appareils usagés. Ce qui est ici particulièrement problématique, c’est que dans des pays de l’Afrique centrale, il est extrait de mines illégales où les conditions sont inhumaines pour les travailleurs et que le produit de sa vente sert à financer des guerres civiles.

 

«Les entreprises suisses aussi doivent se préoccuper de la réduction de cette dépendance et des moyens de faire face aux difficultés d’approvisionnement», a relevé Jean-Philippe Kohl, chef de la Division politique de Swissmem. Une enquête réalisée récemment auprès des membres de cette association de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux a montré que toutes les entreprises utilisaient au moins une de ces matières premières critiques. Pour se protéger des difficultés d’approvisionnement, de nombreuses entreprises concluent des contrats de livraison de longue durée ou coopèrent avec des instituts de recherche pour développer des matières premières de remplacement ou des technologies de substitution ou encore pour optimiser les processus utilisés.


Des solutions de remplacement issues de la recherche
Stephan Bücheler du laboratoire «Films minces et photovoltaïque» de l’Empa a expliqué comment on est parvenu à réduire l’épaisseur de la couche de tellurure de cadmium sur les piles solaires flexibles à base de tellurure de cadmium (CdTe) et à remplacer l’oxyde d’indium critique par de l’oxyde de zinc sur les piles solaires à base de disélénure de cuivre-indium-gallium (CIGS). Et cela sans diminution de leur rendement; bien au contraire l’objectif est d’atteindre des taux de conversion plus élevés avec une utilisation optimale des matières premières et des processus plus rapides. C’est ce qu’ont déjà réalisés l’année dernière les chercheurs de l’Empa avec de nouveaux records d’efficience.

 

C’est aussi dans le but d’utiliser moins de métaux rares que le laboratoire «Moteurs à combustion» a développé un catalyseur en mousse céramique des plus efficaces. Grâce à sa forme particulière, le substrat céramique permet une économie des métaux rares que sont le platine, le palladium et le rhodium. Avec le laboratoire «Chimie du solide et catalyse», le laboratoire «Moteurs à combustion» travaille maintenant sur des catalyseurs régénératifs qui, au lieu de métaux rares, utilisent des pérovskites – des oxydes de métaux multifonctionnels qui, du fait de leur structure cristalline particulière, sont capables de transformer directement la chaleur en électricité.


Le recyclage – un défi à relever
Malgré cela, nous ne devrons pas renoncer totalement aux métaux rares. Comme l’a relevé le chef du laboratoire «Technologie et société», Heinz Böni, qui dirige le laboratoire «Technologie et Société», les appareils électriques et électroniques usagés constituent en quelque sorte une «réserve» de métaux rares. Les gisements naturels sont exploités et s’épuisent alors que les «gisements anthropogènes» se remplissent continuellement. Les concentrations elles aussi parlent en faveur d’une exploitation de ces «gisements secondaires»: dans une mine naturelle une tonne de matériau renferme en moyenne 5 grammes d’or alors que les téléphones mobiles recèlent 280 grammes d’or et les plaques de circuits imprimés même 1.4 kilo, et cela aussi par tonne.

 

 
 
Les concentrations parlent en faveur d’une exploitation de ces «gisements secondaires»: dans les téléphones mobiles (appareils) et les circuits imprimés, les concentrations de métaux rares sont supérieures à celles d’une mine naturelle.
 

 
Mais leur récupération est tout sauf simple. «Il ne suffit pas d’un marteau et d’un tournevis pour extraire les métaux rares des appareils. Leur récupération est au moins aussi complexe que la conception et le développement de ces derniers», comme l’a précisé l’expert en recyclage Christian Hagelücken de Umicore, une des plus grandes entreprises de recyclage spécialisées dans l’extraction des métaux précieux dans les matériaux complexes. Une grande partie de ces métaux rares se trouvent sous forme d’alliages ou de revêtements minces et leur récupération demande des procédés très complexes.
 

 
 

Le désassemblage inapproprié des appareils électroniques usagés – comme ici en Inde – entraîne des risques pour la santé et l’environnement.

 

 

Mais à eux seuls, des procédés de récupération appropriés ne suffisent pas pour atteindre des taux de recyclage élevés. Il est important, précisent les experts, de considérer l’ensemble de la chaîne de recyclage. Car tout cela est inutile si, comme c’est le cas dans certains pays, les ordinateurs et appareils électroniques usagés sont exportés dans des pays émergents où suite à un traitement inapproprié, les métaux rares sont perdus avec en plus des risques pour la santé et l’environnement. Ou alors les métaux rare, suite au démontage, le plus souvent mécanique, des appareils, se retrouvent dans des mélanges d’où ils ne peuvent plus être extraits.

 
 


 

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