Tout ne va pas pour le mieux dans la recherche sur la nanosécurité

A la recherche de normes de référence

29 oct. 2014 | RAINER KLOSE

Le toxicologue Harld Krug critique sévèrement ses collègues dans la revue scientifique «Angewandte Chemie». Il a procédé à une évaluation de plusieurs milliers d’études et trouvé que nombre d’entre elles étaient inutilisables: des essais préparés à la va-vite et des résultats parfois totalement non significatifs. Mais l’Empa ne fait pas que critiquer, elle élabore dans le cadre d’une collaboration internationale de nouveaux standards pour la réalisation d’études sur la nanosécurité.

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Nanoparticules d’oxyde de fer sur la surface d’une cellule (Photo: Empa)

 

La recherche sur la sécurité des nanoparticules a la cote. Dans le monde entier, des milliers de scientifiques mènent des travaux de recherche sur ce thème. Par exemple pour savoir si les particules d’oxyde de titane que renferment les crèmes solaires peuvent pénétrer dans le corps à travers la peau, si les nanotubes de carbone que referment des composants électroniques sont aussi dangereux pour les poumons que l’amiante ou encore si les nanoparticules ajoutées à des aliments sont susceptibles de traverser la barrière digestive et de passer ainsi dans le sang. L’intérêt public est important, les crédits de recherche coulent à flot – le nombre des travaux scientifiques ne cesse d’augmenter: entre 1980 et 2010, au total 5000 travaux ont été publiés, auxquels sont venus s’ajouter encore 5000 ces trois dernières années. Toutefois le gain de connaissances n’est que marginal car la plupart de ces travaux sont mal conduits et inutilisables pour une estimation des risques, déclare Harald Hug.

Comment les nanoparticules pénètrent dans le corps?
Les nanoparticules de synthèse – avec des dimensions situées entre 1 et 100 nanomètres – peuvent en principe pénétrer dans le corps par trois voies: à travers la peau, par les poumons et à travers l’appareil digestif. Presque tous les travaux arrivent au résultat concordant qu’une peau saine et exempte de lésion ne laisse pas pénétrer les nanoparticules jusque dans les couches de cellules vivantes. Pour ce qui est de la voie à travers l’estomac et les intestins, les chercheurs ne sont pas unanimes. Mais à y regarder de plus près, nombreuses sont les conclusions alarmistes qui ont une valeur douteuse – par exemple dans les études sur des nanoparticules de substances solubles telles que l’oxyde de zinc ou l’argent. En effet, ces particules se dissolvent et ce sont les ions de ces substances qui migrent dans le corps qui agissent comme poison cellulaire. Mais cet effet n’a rien à voir avec les nanoparticules, il ne dépend que de la toxicité de la substance dissoute et de la dose absorbée.

Sacrifice inutile d’animaux de laboratoire – surdoses considérables et autres erreurs
Harald Krug a aussi découvert que nombre d’expérimentateurs administraient des quantités absurdement élevées de nanoparticules à leurs animaux de laboratoire. C’est ainsi que des scientifiques chinois ont fait ingérer à des souris cinq grammes d’oxyde de titane par kilo de masse corporelle sans constater aucun effet. A titre de comparaison: déjà la moitié de cette dose de sel de cuisine aurait tué ces souris.
Dans les études sur la pénétrabilité dans les poumons des nanoparticules aussi on trouve du bâclage et un manque de soin: les essais d’inhalation sont coûteux et compliqués parce qu’il faut mettre en suspension dans l’air une quantité définie de particules. Il est plus simple d’introduire directement par instillation les particules sans les voies respiratoires de l’animal. Là, certains chercheurs exagèrent à ce point que la masse considérable des particules provoque l’étouffement des animaux.
D’autres chercheurs renoncent certes aux essais sur les animaux et procèdent à des essais in vitro sur des cellules. Mais là aussi des cultures cellulaires sont recouvertes de couches de nanoparticules d’une épaisseur de 500 nanomètres qui provoquent leur mort par simple manque de substances nutritives et d’oxygène – et non pas sous l’effet des nanoparticules. Et même une étude menée avec le plus grand soin reste sans valeur si les particules utilisées n’ont pas été au préalable caractérisées avec la plus grande précision. Plus d’un chercheur s’épargne se travail préalable et utilise des particules «sous la forme livrée par le fabricant». De telles études ne sont pas scientifiquement contrôlables, comme le rappelle Krug.

La solution: des essais interlaboratoires avec des matériaux standardisés
C’est aussi pourquoi l’Empa travaille depuis peu en commun avec des chercheurs du laboratoire de Technologie des Poudres de l’EPFL à Lausanne, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et des partenaires industriels à une solution de ce problème: le 9 octobre ils ont lancé le programme «NanoScreen», un des «CCMX Materials Challenges», qui doit entre autres aboutir ces prochaines années à la création d’un série de méthode pré-validées pour les essais de laboratoire. Pour ces essais, on va préparer des nanomatériaux présentant une granulométrie étroitement définie, des propriétés chimiques et biologiques bien documentées  et dont certains paramètres – par exemple la charge électrique superficielle – peuvent être modifiés. «Avec ces méthodes et ces substances tests, les laboratoires internationaux pourront comparer, vérifier et le cas échéant optimiser leurs méthodes» explique Peter Wick qui dirige le laboratoire «Materials-Biology Interactions» de l’Empa.

Au lieu de tâtonner dans le noir comme jusqu’ici, on aura alors la chance de pouvoir non seulement clarifier après-coup mais même prévoir le potentiel de risque des nouvelles nanoparticules. L’équipe suisse coordonne de plus ses activités de recherche avec le «National Institute of Standards and Technology» (NIST) aux USA, le «Joint Research Center» (JRC) de la Commission européenne et «Korean Institute of Standards and Science» (KRISS).

 
Les illustrations peuvent être téléchargées sous: https://flic.kr/s/aHsk56vUv3.
 
 
 

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