Gaspillage des ressources: les déchets électroniques trop souvent incinérés au lieu d’être recyclés

Une initiative de l’ONU en faveur de l’amélioration du recyclage des déchets électronique

7 mars 2007 | MICHAEL HAGMANN

Le 7 mars 2007 a marqué le lancement officiel de l’initiative mondiale «Solving the E-Waste Problem» (StEP) sous la direction de l’Université des Nations Unies (UNU) et d’autres organisation des Nations Unies. Cette initiative vise à augmenter la durée de vie des ordinateurs et autres appareils électroniques domestiques, à réduire la pollution de l’environnement provoquée par leur élimination ou leur recyclage et à améliorer la valorisation des matériaux d’un prix en augmentation constante que renferment les déchets électroniques (e-déchets). L’Empa et le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) représentent la Suisse dans cette initiative à laquelle participent plus de 40 entreprises  industrielles, institutions de recherche et organisation gouvernementales et non gouvernementales.

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Avec chaque produit équipé d’une pile ou muni d’une prise que nous jetons aux ordures – ordinateurs, téléviseur, téléphone mobile, baladeurs MP3, pour n’en citer que quelques-uns – nous gaspillons des ressources précieuses. Les montagnes de e-déchets croissent à une allure vertigineuse dans le monde entier. De plus, les appareils électroniques usagés qui sont exportés dans les pays du tiers monde ne sont le plus souvent pas réutilisé mais éliminés de manière illégale, le plus fréquemment en les brûlant, ce qui ne détruit pas seulement irrémédiablement les composants réutilisables mais contribue pour une part importante à la pollutions de l’environnement dans ces pays. «Ces montagnes de e-déchets ne sont pas seulement une mine d’or» déclare de chercheur de l’UNU Rüdiger Kühr.  «Le partenariat StEP international s’engage pour un recyclage accru de ces ressources précieuses et pour empêcher ainsi qu’elle ne polluent l’environnement.»

 
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A côté des métaux précieux tels que l’or, le palladium et l’argent, d’autres éléments rares jouent un rôle de plus en plus important dans la fabrication des composants électroniques. Par exemple l’indium, un sous-produit de l’extraction de l’étain, qui est utilisé chaque année dans plus d’un milliard de produits électroniques tels que les écrans plats et les téléphones mobiles.

 

Au cours des cinq dernières années, le prix de l’indium sur le marché mondial a plus que sextuplé – et il est devenu entre temps plus cher que l’argent. Bien que les réserves mondiales d’indium soient lentement en voie d’épuisement, ce métal rare n’est recyclé que dans quelques usines aux USA, en Belgique et au Japon. Le Japon fait là œuvre de pionnier, ce pays couvre en effet près de la moitié de ses besoins d’indium par le recyclage.

Mais l’indium n’est pas un cas isolé. Le bismuth lui aussi, qui est utilisé pour le brasage sans plomb est aujourd’hui deux fois plus cher qu’en 2005. Et le prix du ruthénium, utilisé dans les disques durs des ordinateurs et les résistances électriques, a même augmenté de sept fois – et cela en une année seulement. «Ces augmentations de prix parfois massives nous montrent que notre approvisionnement en ces éléments rares n’est pas assuré pour l’éternité – à moins que nous n’établissions un système de recyclage fonctionnant bien pour les récupérer à partir des appareils usagés», explique Kühr.

 
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Une charge importante pour l’environnement et la santé due au recyclage inadéquat des e-déchets

Ce n’est toutefois pas seulement la pénurie des ressources qui rend indispensable un recyclage des matières premières de valeur. Un traitement inapproprié et sans scrupule des e-déchets provoque d’innombrables problèmes d’environnement et de santé.

 

Ces problèmes proviennent entre autres des dioxines, des furanes et des hydrocarbures aromatiques polycycliques extrêmement toxiques qui se forment lors de la combustion du PVC mais aussi des produits ignifugeant polybromés (platines et boîtiers d’ordinateurs, câbles électriques), des biphényles polychlorés (PCB, dans les transformateurs et les condensateurs) ainsi que le plomb, le mercure, le cadmium, le chrome et autres métaux lourds (entre autres, écrans d’ordinateurs). Des études ont montré que la population est de plus en plus contaminée par ces métaux lourds qui peuvent provoquer des malformations du système nerveux et des cancers.

Dans les pays émergeants et en voie de développement de plus en plus de personnes vivent du recyclage des e-déchets. Le plus souvent ce recyclage se fait dans des «ateliers d’arrière-cour» où les travailleurs - des hommes, des femmes et des enfants – sont exposés à des dangers considérables. L’élaboration d’un guide valable mondialement pour le désassemblage des e-déchets et la maximisation du rendement du recyclage est l’un des objectifs prioritaires de l’initiative  StEP. Un projet qui doit par exemple aider la Chine à traiter et à éliminer ses propres e-déchets en toute sécurité est déjà en cours.

 

La StEP est une initiative du l’UNU, du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED). Différents groupes de travail s’occupent de thèmes tels que la prolongation de la durée de vie des produits électroniques et de leur réutilisation ainsi que de la création de l’infrastructure et du savoir-faire nécessaire dans les pays concernés. Le laboratoire «Technologie et Société» de l’Empa qui sur mandat du SECO réalise depuis plus de trois ans déjà un programme «Partenariat scientifique dans le recyclage des e-déchets» dans des pays comme l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, prendra la tête du groupe «Recycling» de la StEP. «La StEP permet à nos partenaires et à nous-mêmes de lancer et de financer des projets urgents. Une étudiante vient justement d’achever son travail de diplôme consacré à l’étude de l’efficacité de la récupération de l’or sur les platines d’ordinateur par le recyclage «d’arrière-cour» à Bangalore en Inde», explique le chercheur de l’Empa Rolf Widmer qui dirige le groupe de travail «Recycling»de la StEP. Ce travail a été rendu possible  grâce à la collaboration de différents membres du StEP, et  plus particulièrement de ses partenaires industriels. «C’est précisément ce pour quoi nous avons participé activement il y a deux ans et demi à la création de la StEP», déclare Widmer.

 
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La quantité de e-déchets annuelle remplirait une file de camions qui ferait le tour de la moitié de la terre

Les e-déchets sont une des catégories de déchets dont l’augmentation est la plus rapide et aussi la plus inquiétante. L’Agence européenne pour l’environnement a calculé que la quantité de e-déchets  – actuellement 40 millions de tonnes par année – augmente trois fois plus vite que celles de tous les autres types de déchets ménagers. Si l’on chargeait ces e-déchets dans des camions à ordures, on obtiendrait une file de camions qui ferait la moitié du tour de la terre.

 

Des cycles de produits toujours plus courts - principalement dans les technologies de l’information et de la communication (ICT) – provoquent une croissance toujours plus vertigineuse de la montagne des e-déchets. L’’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fait état pour l’année 2004 d’un chiffre d’affaire de 2.2 billions de francs, soit 2.2 millions de millions de francs pour le commerce ICT mondial, montant qui équivaut aux 7.7 pour-cent du produit social brut mondial. Alors qu’en2004 en Allemagne un ménage sur deux possédait un ordinateur, à la fin 2006 les 75 % de tous les ménages allemands en étaient déjà équipés. Au Japon, l’équipement en ordinateurs est tout aussi élevé, alors que seuls 0.07 pour-cent des ménages en possèdent au Niger, 1.2 pour-cent en Inde, 2.3 pour-cent en Bolivie et 4.1 pour-cent en Chine. Le potentiel de croissance pour les appareils électriques est donc énorme – cela plus particulièrement dans les pays en voie de développement et les pays émergeants – et la montagne des e-déchets n’est donc pas près de diminuer.

La fabrication d’un ordinateur de bureau consomme 1.8 tonnes de matières premières

Une durée de vie et une réutilisation accrue des appareils électriques aideraient aussi à réduire la pollution de l’environnement découlant de leur production. L’ouvrage publié par l’UNU «Computers and the Environment» arrive à la conclusion qu’un PC moyen avec son écran consomme pour sa production près de 10 fois son poids d’énergies fossiles. Par comparaison, la production d’une automobile ou d’un réfrigérateur ne demande qu’une quantité d’énergie égale à une ou deux fois le poids du produit. Concrètement cela signifie que la fabrication d’un PC avec un écran de 17 pouces nécessite 240 kilogrammes d’énergies fossiles, 22 kilogrammes de produits chimiques et 1500 litres d’eau – soit au total 1.8 tonnes de matière premières, l’équivalent du poids d’un 4x4 ou d’un rhinocéros.

«Il est clair que c’est maintenant que nous devons nous atteler à la résolution des problèmes liés à l’accroissement des quantités de e-déchets tels que l’épuisement des ressources, la pollution de l’environnement et les atteintes à la santé», déclare le recteur de l’UNU, Hans van Ginkel qui est convaincu que l’initiative StEP profitera finalement à tout le monde. «Les entreprises qui participent à la StEP profiteront d’un système de recyclage et d’élimination des e-déchets mondialement unifié, sûr et écologique. Par ailleurs, leurs produits devraient pouvoir être plus facilement remis à jour car acheter un produit neuf alors que seul un des composants de l’ancien devrait être remis à jour est un gaspillage extrême. Et les consommatrices et les consommateurs en profiteront eux aussi car ils se verront offrir d’une part des appareils électriques et électroniques ayant une plus longue durée de vie et qu’ils sauront que faire de leurs appareils usagés» commente van Ginkel. Le sigle StEP sur les appareils électriques et électroniques signalisera à l’avenir que leur fabricant satisfait les directives de «best practice» internationales en matière de valorisation des e-déchets.


Renseignements:
Rolf Widmer, Empa, Technologie et Société, tél. +41 71 274 78 63,

Rédaction:
Terry Collins (Toronto, Canada), tél. +1 416 538 87 12, mobile +1 647 284 87 12,
Dr Michael Hagmann, Empa, Communication tél. +41 44 823 45 92,