FOCUS : Bois - une nouvelle découverte

Gratte-ciels de béton avec du bambou

5 avr. 2016 | AMANDA ARROYO
Le bambou est un chef d’œuvre de la nature. Cette graminée, autrement dit une herbe, renferme des fibres dont la résistance à la traction égale celle de l’acier. Avec un peu de soutien du laboratoire, il possède le potentiel pour devenir le matériau de construction de l’avenir.
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Dans les pays en voie de développement et les pays émergeants, tels que la Malaisie et l’Indonésie, la croissance urbaine est particulièrement rapide. Les constructions nécessitent des quantités énormes d’acier d’armature qui n’est toutefois pas produit sur place et doit donc être importé. Ceci n’est ni particulièrement écologique ni économique. C’est aussi pourquoi le groupe de Dirk Hebel de l’EPF de Zurich et les chercheurs de l’Empa Mateusz Wielopolski et Sébastien Josset se sont mis à la recherche d’une alternative. Et ils l’ont trouvée avec le bambou, une plante herbacée, dont la résistance à la traction égale celle de l’acier, mais qui est six fois plus léger que ce dernier et de plus encore particulièrement durable car il croît sous les tropiques.
Il est connu de longue date que cette herbe qu’est le bambou résiste à des forces incroyables. Mais son utilisation comme matériau pour les grandes constructions n’était jusqu’ici pas possible. Dans les années 1960 déjà, des chercheurs avaient tenté de remplacer les aciers d’armature par du bambou. Mais les tiges de bambou absorbaient beaucoup trop d’eau et leur gonflement faisait éclater le béton.
Afin d’empêcher cela, ces chercheurs suisses ont développé un procédé raffiné. Ils n’utilisent pas le bambou simplement comme il a poussé. «Nous découpons le bambou dans la longueur pour ensuite recoller entre eux les morceaux» explique Wielopolski. La colle utilisée est une résine, spécialement développée cet effet, qui rend le bois hydrofuge. Avec ce procédé, Wielopolski a obtenu les meilleures caractéristiques de matériau jamais obtenues avec du bambou.
L’utilisation du bambou pour les armatures ouvre aux architectes des possibilités totalement nouvelles «Ce matériau est six fois plus léger que l’acier et on pourrait réaliser avec lui des constructions beaucoup plus élevées», explique Wielopolski. Il ne pourrait pas seulement remplacer l’acier mais aussi les fibres de carbone, les fibres de verre ou les fibres d’autres bois dans des matériaux composite.

Un matériau résistant

En fait Wielopolski n’aurait pas dû développer une nouvelle résine car il en existe déjà de fort bonnes sur le marché qui s’utilisent, par exemple, dans l’industrie aéronautique ou automobile. Sur les avions, certains composants, tels que les ailes, sont de plus en plus souvent réalisés en matériaux composites à base de résines et ces composants doivent supporter des sollicitations élevées. «Mais nous ne voulions pas utiliser de telles résines hautes performances car elles sont beaucoup trop chères» relève Wielopolski, «aucun pays en voie de développement ne se permettre ce luxe». Car le facteur de coût principal n’est pas le bambou mais la résine. Raison pour laquelle il a réduit au minimum la teneur en résine de son produit, lui conservant ainsi sa durabilité. De plus cette nouvelle résine utilise des matières premières renouvelables, plus précisément de l’huile végétale. «Naturellement ce n’est pas de l’huile d’olive extra-vierge», précise avec un sourire Wielopolski, «nous utilisons pour cela des déchets végétaux». C’est à partir de ces déchets qu’il obtient de l’huile et, par une transformation chimique, la résine. Cette résine ne rend pas seulement le bois hydrofuge mais aussi formable – une condition optimale pour lui assurer de larges possibilités d’utilisation.
«Nous avons développé un produit et nous désirons maintenant aussi le mettre en œuvre», dit Wielopolski. Mais il a réalisé qu’il est très difficile de pouvoir tester dans la pratique des matériaux novateurs sur de nouvelles constructions. Il est très heureux d’avoir à disposition pour cela le nouveau bâtiment d’essai NEST de l’Empa pour y tester pour la première fois son matériau. Mais ce ne sera pas un gratte-ciel en bambou. Wielopolski commencera par de petites applications, un sol de terrasse et des meubles de jardin, qui lui permettront d’éprouver leur résistance aux intempéries dans des conditions réelles. Dès que ce matériau aura passé cette épreuve, il s’agira alors d’aborder le thème du bambou pour remplacer l’acier comme armature du béton. Mais, comme l’exprime Wielopolski, « la voie est longue pour parvenir à remplacer un matériau aussi bien établi dans la construction».