Un pas de plus vers le cœur artificiel

Des muscles issus du vaporisateur

7 nov. 2017 | ANDREA SIX

Pour les personnes souffrant d’insuffisance cardiaque, un cœur artificiel serait salvateur. Mais pour reconstituer cet organe complexe en laboratoire, il faudrait d’abord réussir à cultiver des tissus vivants à couches multiples. Des chercheurs de l’Empa se sont désormais rapprochés de cet objectif: par le biais d’un procédé de vaporisation, ils ont créé des fibres musculaires fonctionnelles.

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Une imitation de la nature: un tissu de fibres musculaires croît sur une armature en plastique tissée. Le microscope confocal à balayage laser fait apparaître les fibres musculaires en rouge et les noyaux des cellules en bleu. Photo: Lukas Weidenbacher

Quiconque dépend d’une transplantation en raison d’une insuffisance cardiaque espère recevoir de la part d’un donneur un organe qui convient. Un cœur artificiel qui ne déclenche aucune réaction de rejet par le corps après implantation représenterait une alternative élégante. Le projet «Zurich Heart» de l’association de recherche Hochschulmedizin Zurich, dont l’Empa est partenaire, développe actuellement un cœur artificiel de ce type. Afin que cette pompe de laboratoire soit acceptée par le corps, elle doit – telle une cape d’invisibilité – être entourée et revêtue de tissus humains. Or, la culture de tissus fonctionnels à plusieurs couches constitue encore un important défi dans ce domaine en plein essor qu’est le «Tissue Engineering». Désormais, les chercheurs de l’Empa sont parvenus à transformer des cellules en fibres musculaires au sein d’une armature en plastique tridimensionnelle.

«Le cœur humain se constitue naturellement de plusieurs couches de tissus différents», explique Lukas Weidenbacher, du laboratoire Biomimetic Membranes and Textiles de l’Empa à Saint Galle. Le revêtement de fibres musculaires joue ici un rôle décisif, puisqu’il veille à la stabilité et à la flexibilité du cœur en battement constant. Toutefois, il est difficile de cultiver des fibres musculaires à plusieurs couches, puisque les cellules doivent d’abord être insérées dans une armature spatiale. «Certes, il est possible de créer des formations tridimensionnelles en plastique qui ressemblent fort au tissu humain, par exemple par le biais du dénommé électrospinning», poursuit Weidenbacher. À cet effet, des polymères liquides sous la forme de fils extrêmement fins sont tissés pour obtenir la forme des tissus naturels. Or, les composés nocifs nécessaires pour appliquer cette méthode constituent un poison pour les cellules sensibles.

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Tissue engineering of muscle fibers: Cells are packaged in protective capsules and sprayed over a spun polymer scaffold in several layers. At their destination, the cells shed the gelatinous coating and develop into mature muscle cells.
Une protection flasque

C’est pourquoi les chercheurs de l’Empa ont emballé les précieuses cellules dans des capsules protectrices. Chaque enveloppe de gélatine contient une à deux cellules. Cela permet de protéger les cellules des composés nocifs. Un procédé spécial de vaporisation, l’électrospraying, permet d’intégrer les capsules dans les pores de l’armature tissée. «Protégées de la sorte, les cellules survivent fort bien la vaporisation», explique le chercheur en matériaux. Une fois que les cellules se sont installées dans le lieu auquel elles sont destinées, la capsule de gélatine se dissout en quelques minutes à peine.

 

Après l’électrospraying, la capsule de gélatine (vert clair) se dissout en
quelques minutes à peine, tandis que les cellules (orange) restent
actives et en vie. 
(via GIPHY)

Des images prises au microscope électronique à balayage montrent que les cellules se plaisent dans leur nid de plastique: aussitôt les capsules dissoutes, les cellules progénitrices, non mûres encore, commencent à se fondre entre elles et à se transformer en longues fibres musculaires. À la fin, on doit aboutir à une structure qui ressemble le plus possible au tissu musculaire naturel. «Puisque le cœur artificiel est parcouru en permanence par la circulation sanguine, il est important que les surfaces soient composées de manière telle qu’aucun caillot ne se forme», dit Weidenbacher.

Invisible pour les défenses immunitaires

Pour la série d’essais, les chercheurs se sont servis de cellules musculaires non mûres d’une lignée cellulaire de souris. Les cellules progénitrices se sont différenciées au sein de l’armature et ont produit des protéines existant généralement dans les muscles. Toutefois, le cœur artificiel à implanter sera équipé à l’avenir de cellules provenant du patient lui-même. Cela permettrait de cultiver pour la personne concernée un cœur personnel qui reste «invisible» aux défenses corporelles.

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Au bout de sept jours déjà, les cellules se fondent dans l’armature (blanc) et se développent pour devenir de longues fibres musculaires (jaune), comme le montre la présente microphotographie électronique colorée.
Informations

Lukas Weidenbacher
Biomimetic Membranes and Textiles
Tél. +41 58 765 71 52


Rédaction / Contact médias
Dr. Andrea Six
Communication
Tél. +41 58 765 61 33  

Literature

L Weidenbacher, A Abrishamkar, M Rottmar, AG Guex, K Maniura-Weber, AJ deMello, SJ Ferguson, RM Rossi, G Fortunato; Electrospraying of microfluidic encapsulated cells for the fabrication of cell-laden electrospun hybrid tissue constructs; Acta Biomaterialia (2017); doi: 10.1016/j.actbio.2017.10.012


Liens

University Medicine Zurich Flagship Project Zurich Heart
Heart failure is an increasing and serious problem in Western populations. The project  aims at a fully implantable artificial heart: the "Zurich Heart“. Nearly 20 research groups of ETH Zurich, the University of Zurich, the associated hospitals in Zurich as well as the German Heart Center Berlin and Empa are committed to the ambitious vision.

Emission de radio sur RTS CQFD du 9 mai 2017.