Premier Apéro scientifique Empa St-Gall

L’homme: une machine pouvant subir des réparations?

4 oct. 2006 | BEAT ASCHWANDEN
Des pièces de rechange de plus en plus nombreuses permettent de rétablir la santé de l’homme: prothèses de hanche, artères et valvules cardiaques artificielles ne sont que quelques exemples. La science comprend de mieux en mieux les interactions entre les matériaux et les cellules humaines, préparant ainsi la voie pour l’amélioration des implants. Mais jusqu’où resterons-nous encore des êtres humains et à partir de quand deviendrons-nous des «cyborgs» – des hybrides entre homme et machine? Une question qui a aussi été soulevée lors du premier Apéro scientifique de l’Empa à se dérouler à St-Gall.
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Le cardiologue Hans Rickli de l’Hôpital cantonal de St-Gall examine les artères d’une patiente.
  Les rétrécissements des artères coronaires dus à l’artériosclérose et les problèmes cardiovasculaires, voire même les infarctus qui en découlent, sont en constante augmentation ainsi que le montrent les statistiques. Chaque année 16'000 opérations de dilatation des artères coronaires sont effectuées en Suisse.
 

Hans Rickli, médecin en chef et cardiologue à l’hôpital cantonal de St-Gall a expliqué au nombreux public présent dans la salle de conférence de l’Empa St Gall que la percée dans ce domaine n’est intervenue qu’en 1995 – après des années de travaux de recherche intensifs – grâce au développement de nouveaux implants et d’une nouvelle technique opératoire. Pour cela, un ballon est introduit dans le vaisseau obstrué et gonflé à l’endroit rétrécis après quoi ont insère à cet endroit une endoprothèse métallique – appelée stent – qui maintient ouvert le vaisseau sanguin. Sans stent – a expliqué Rickli – les vaisseaux ainsi dilatés se rétrécissent souvent à nouveau après peu de temps déjà. Avec les stents en métal utilisés jusqu’alors, les artères et les veines restaient certes ouvertes mais le métal provoquait souvent des effets indésirables. «Il n’était pas rare qu’il se formât des caillots, du tissu cicatriciel et qu’il se produisît des inflammations» déclare ce cardiologue. Pour prévenir ces effets indésirables, dans le monde entier, les chercheurs ont étudié les interactions entre les matériaux artificiels et les cellules humaines pour développer à partir de ces connaissances de nouveaux implants présentant une meilleure biocompatibilité. Dans le cas des stents, il s’agit par exemple de revêtements sophistiqués de nanoparticules et de médicaments qui sont délivrés par le stent et aident ainsi à empêcher la prolifération de tissu cicatriciel.

 
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Coupe à travers une artère après l’implantation d’un stent (points noirs). Une couche protectrice de cellules s’est déjà formée au-dessus du stent.
 

A la recherche de matériaux biocompatibles

La manière dont les cellules humaines réagissent avec les surfaces artificielles fait aussi partie des thèmes dont s’occupe le groupe de recherche MaTisMed (Materials and Tissues for Medicine) du laboratoire «Materials Biology Interactions» de l’Empa. Arie Bruinink, qui dirige ce groupe, a présenté aux auditeurs quelques résultats de ses travaux de recherche à l’aide de micrographies et de brèves séquences de films. Dans des essais «in-vitro», ou autrement dit «en éprouvette», sur des cellules souches adultes provenant de la moelle osseuse de fémurs et sur des cellules nerveuses de la moelle épinière, il a trouvé avec son équipe que la topographie superficielle des matériaux utilisés exerce une influence sur le comportement des cellules. C’est ainsi que la vitesse de migration, l’orientation et l’adhérence des cellules à la surface du matériau varient avec la structure de ce dernier.

 

Tous ces facteurs sont extrêmement importants pour le succès d’une guérison rapide de la plaie et l’enracinement de la prothèse, a déclaré Bruinink qui a dirigé auparavant le groupe de neurotoxicologie in-vitro à l’EPF Zürich.

Malgré de nombreuses études sur la biocompatibilité et les expériences menées à l’Empa en partie avec des partenaires industriels, la recherche dans ce domaine en reste encore à ses débuts. «Nous comprenons encore trop peu comment quelle propriété d’un matériau déclenche quel comportement des cellules» déclare Bruinink. C’est ainsi que de très petites différences dans les propriétés de la surface nanorevêtue d’un implant peuvent conduire à des réactions très différentes selon le type de cellule.

 
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Le laboratoire „Materials Biology Interactions“ de l’Empa étudie entre autres comment les cellules „voyagent», autrement dit la migration cellulaire, sur différents substrats. (Les cellules sont colories en vert, les lignes marquent la structure de la surface.)
 

Jusqu’où peut-on aller trop loin?

Les «pièces de rechange» utilisées ne doivent pas seulement être biocompatibles mais être aussi psychocompatibles» telle est l’exigence posée par le psychologue Hans Rudolf Schelling du Centre de gérontologie de l’Université de Zurich. Depuis la définition de l’homme considéré comme une machine par le philosophe René Descartes au 17e siècle, la ligne de séparation entre homme et machine devient de plus en plus floue indique ce psychologue. «A notre époque, avec toutes les «pièces de rechange» utilisées telles que les prothèses d’articulations, les stimulateurs cardiaques et les stents, il existe une véritable symbiose entre l’homme et la machine – avec pour conséquence l’apparition d’un hybride entre les deux» La question est, selon Schelling, de savoir comment traiter ces «cyborgs» (de l’anglais:«cybernetic organisms», organismes cybernétiques). Est-ce que la qualité de vie et le bien-être s’en trouve vraiment toujours accrus? Qui assume la responsabilité des mesures visant à prolonger la vie?

 

Qui décide quels sont ceux qui peuvent profiter des nouvelles conquêtes techniques? Et à partir de combien de «pièces de rechange» ne nous sentons-nous plus comme humain mais déjà comme «cyborg»?

Le plus simple est sans doute de ne pas devoir avoir recours à de telles pièces de rechange. «Le risque d’être atteint d’artériosclérose peut être réduit de près de 50% par un mode de vie adéquat – sans tabac, avec une nourriture saine et suffisamment de mouvement» – telle est la conclusion proposée à la réflexion de auditeurs par le cardiologue Hans Rickli.

Auteur: Lukas Herzog

 

Contact:
Arie Bruinink, , Lab. Materials Biology Interactions, tél. +41 71 274 76 95,

Rédaction:
Sabine Voser Möbus, Section Communication,