Des pointes de pollution à la première pluie Pour quantifier lentraînement des produits biocides par lessivage, des éléments de façade ont été artificiellement soumis à différentes agressions en laboratoire : pluie, rayonnement UV et températures variées. De plus, le phénomène a pu être étudié en conditions météorologiques réelles à partir dune maison miniature construite spécialement à cet effet en plein air (photo). Enfin, les chercheurs ont réalisé des essais sur un certain nombre de constructions nouvelles dans la région de Zurich. Leurs résultats montrent que les premières eaux ruisselant des façades de maisons fraîchement crépies ou peintes présentent des concentrations de biocides extrêmement élevées. Ainsi par exemple, une teneur de 7000 μg/l a été mesurée pour le diuron (algicide) dans le premier litre sécoulant des façades. Sil devait être déversé dans un ruisseau, ce litre de lessivat devrait donc être dilué 70 000 fois pour que les exigences de lOrdonnance sur la protection des eaux soient respectées. Ceci montre bien que linfiltration des eaux de façade et les rejets deaux urbaines dans les petits cours deau ne vont pas sans poser problème. Il est vrai, cependant, que les concentrations de polluant diminuent ensuite rapidement à mesure que les pluies se poursuivent ou se répètent. Les taux dentraînement par lessivage dépendent non seulement de la solubilité des différents produits mais également de leur degré de dégradation photochimique et des propriétés des peintures ou crépis utilisés. Des produits toxiques à très faible concentration Daprès létude, les concentrations de biocides mesurées dans les eaux de lessivage des façades ou estimées par modélisation informatique ont indiscutablement une action toxique sur les algues, les plantes et les organismes aquatiques. En effet, les eaux polluées ruisselant des façades peuvent sinfiltrer dans le sol ou se déverser directement dans les ruisseaux par la voie de drainages puis de conduits dévacuation des eaux pluviales. Or les produits empêchant la croissance des algues sur les façades le font malheureusement aussi dans le milieu aquatique, même après forte dilution. On sait de certains composés quils développent une action toxique à partir de quelques nanogrammes par litre à peine; cest par exemple le cas de la cybutryne (ou Irgarol®1051) utilisée pour le traitement des coques de bateaux. Il importe donc de ne pas se référer uniquement aux objectifs de qualité généraux définis par la législation mais également de prendre garde aux composés particulièrement dangereux dun point de vue écotoxicologique. Dautre part, les effets cocktail des substances en mélange dans lenvironnement sont encore mal connus et nécessitent encore des efforts de recherche importants. Rechercher des solutions en concertation avec la pratique Pour Michael Burkhardt, coordinateur du projet « Urbic », il est évident que lOrdonnance sur les produits biocides présente des lacunes au niveau de lévaluation de ces produits de protection des matériaux puisquelle ne tient pas actuellement compte des rejets directs des eaux de ruissellement des façades dans le milieu aquatique. De son point de vue, il serait impératif pour la gestion des eaux pluviales urbaines de prêter davantage attention à leur qualité et à la nature des matériaux de construction quelles rencontrent avant dêtre collectées. Mais il devrait également être permis de sinterroger sur la pertinence dun emploi aussi généralisé des produits biocides dans les revêtements. En effet, toutes les façades ne sont pas et de loin prédisposées aux colonisations algales ou fongiques. De nombreux problèmes pourraient être évités, par exemple par une conception architecturale évitant lhumidité. Ou par une responsabilisation des propriétaires qui se chargeraient dentretenir et de nettoyer les façades et dendiguer la végétation environnante au lieu de compter sur des prestations de garantie. Car ce sont justement ces garanties qui conduisent les fabricants de crépis plastiques et de peintures pour façades à des ajouts croissants de produits biocides. En concertation avec les fabricants, le groupe de chercheurs étudie aussi des solutions alternatives pour linclusion des substances actives, lemploi de produits moins nocifs ou le développement de revêtements sans biocides, favorisant linstauration dun dialogue fructueux entre recherche, industrie et autorités. |