28e Apéro scientifique de l’Empa

Et si la terre se réchauffe? – La Suisse et le changement climatique

12 avr. 2006 | BEAT ASCHWANDEN
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Thermophotographie de la ville de Bâle prise avec une caméra infrarouge

 

La tempête Lothar en décembre 1999, l’été sec et torride de 2003 ou les inondations de l’année dernière en Suisse – sont-ce là les signes annonciateurs d’un changement climatique? «Non», déclare Ulrike Lohmann, professeur de physique expérimentale de l’atmosphère à l’EPF de Zurich; «un extrême météorologique isolé n’est pas un indice d’un changement climatique mais tout simplement un événement météorologique extrême».

Le changement climatique – qu’est-ce que c’est au juste?

Les changements climatiques ne se laissent déceler que sur le long terme. Ainsi l’élévation de la température globale moyenne de 0.8°C au cours du siècle dernier – et de près de 0.6°C rien qu’au cours de ces 30 dernières années – est un signe de changement climatique. Les climatologues ont décelé cette tendance aussi bien par des mesures directes de la température qui sont réalisées depuis environ 150 ans que par des reconstitutions des températures à l’aide d’«archives» naturelles telles que des carottes de glace.

Mais l’homme est-il réellement responsable de l’augmentation vertigineuse de la température au cours de ces 30 dernières années? Les modèles qui ne tiennent compte que des événements naturels – tels que les éruptions volcaniques – ne peuvent pas expliquer l’augmentation mesurée. Ce n’est que lorsqu’on tient compte aussi des émissions de gaz à effet de serre – tels que le dioxyde de carbone – provoquées par l’homme que le modèle concorde avec les courbes des températures effectives mesurées.

«La température augmente vertigineusement», constate Ulrike Lohmann. Suivant le scénario envisagé, les climatologues s’attendent à une augmentation de la température terrestre de 1.5 à 6°C. L’intensité de cette augmentation dépend entre autres de la mesure dans laquelle les émissions de gaz à effet de serre, et aussi des poussières fines, diminueront. Certaines poussières fines, appelées aérosols, agissent en effet à l’encontre du réchauffement par les gaz à effet de serre car elles réfléchissent le rayonnement solaire. Malgré cet effet de refroidissement, il est nécessaire de continuer à réduire les émissions de ces aérosols car ils ont des effets nocifs pour la santé. «La lutte contre la pollution de l’air et la protection climatique doivent être abordées ensemble», a déclaré pour conclure Ulrike Lohmann.

Indépendamment du scénario climatique qui sera le plus proche de la réalité, en Suisse les étés deviendront plus chauds et les hivers plus doux; la fréquence, l’intensité et la durée des événements météorologiques extrêmes augmenteront aussi probablement.

«Un engrais dans l’air» – Comment les plantes réagissent-elles au CO2?

Le réchauffement n’est qu’un des éléments du changement climatique. On réunit sous la notion de «changement global» les phénomènes qui concourent à la modification de la chimie de l’atmosphère – p. ex. son enrichissement en CO2 – ainsi que le changement climatique et la transformation des écosystèmes à l’échelle mondiale qui en résultent. «La concentration actuelle en CO2 de 380 ppm dépasse tous ce que l’atmosphère a pu voir jusqu’ici» déclare Christian Körner, professeur de botanique à l’Université de Bâle. Les données les plus récentes obtenues à partir d’une carotte de glace prélevée dans l’antarctique montrent que les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont varié entre 180 et 300 ppm au cours des 650'000 dernières années. Körner étudie avec son groupe de recherche les effets sur les plantes de l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’air.

A côté de son effet de serre, le CO2 exerce encore une influence directe sur le monde végétal; il est l’un des «aliments principaux» des plantes qui grâce à la photosynthèse le transforment en sucre et en masse végétale. «Le dioxyde de carbone est souvent considéré comme un poison», explique Körner. «Pourtant le CO2 est la ressource de base de toute vie!» Avec la concentration actuelle de CO2, le taux de photosynthèse n’est pas encore arrivé à sa limite. Alors est-ce que davantage de CO2 signifie davantage de croissance végétale? Ce n’est pas tout à fait aussi simple que cela, déclare le botaniste bâlois. Des essais en plein champ sur des plantes alpestres auraient montré qu’un apport de CO2 accru ne stimule pas davantage la croissance des plantes. D’autres substances nutritives deviennent dans ces conditions un facteur limitant et leur manque empêche une augmentation de la croissance. Toutefois l’élévation de la concentration de CO2 ne reste pas sans effet sur le monde végétal. Ainsi l’équipe de Körner a constaté dans une forêt modèle mixte de hêtres et d’épicéas alimentée artificiellement en CO2 qu’une concentration élevée en CO2 provoquait une modification soudaine des rapports de concurrence. Alors que sur un sol calcaire les deux espèces profitaient d’un apport supplémentaire de CO2, sur un sol acide cet apport supplémentaire avait un effet négatif sur les hêtres. A côté de cela, certains indices indiquent que, contrairement à ce qui est le cas pour les plantes alpestres, le CO2 favorise fortement la croissance du lierre et de la clématite des haies – ce qui rend ces plantes grimpantes «plus agressives».

Cependant le changement climatique influence lui aussi les plantes. On entend souvent dire ou on lit que, du fait de l’effet de serre, les plantes commencent apparemment à fleurir plus tôt. Ce n’est toutefois pas la température mais le rapport jour/nuit qui tire nos plantes indigènes de leur sommeil hivernal, explique Körner. Le réchauffement climatique ne rend pas le bourgeonnement plus précoce. Il existe toutefois des exceptions. «Le marronnier bien connu de Genève qui fleurit effectivement toujours plus tôt ne connaît manifestement pas les convenances de notre pays» explique Körner avec humour. Les marronniers sont en effet originaires de l’espace méditerranéen et possèdent une horloge interne dont le réglage diffère légèrement.

La consommation d’énergie en évolution avec le climat

En entendant l’expression «changement climatique», très peu de gens pensent aux bâtiments et à la consommation d’énergie qui y est liée. Pourtant en Suisse la consommation d’énergie des bâtiments représente près de la moitié de la consommation totale d’énergie. Les conséquences énergétiques du changement climatique pour les bâtiments ne doivent donc pas être sous-estimées.

Les chercheurs de l’Empa ont examiné récemment les effets d’un climat plus chaud sur la consommation d’énergie des bâtiments dans notre pays. Leurs conclusions: au cours du 20e siècle, le nombre de degrés-jours de chauffage a diminué d’environ 15% sur les quatre sites étudiés. Par contre, le nombre de degrés-jours de réfrigération a augmenté de 50 à 170%, comme l’indique Thomas Frank du laboratoire Technologie des bâtiments de l’Empa. Pour la période de 1975 à 2085, il faut d’attendre, selon le modèle climatique envisagé, à une diminution de 13 à 87% supplé-mentaires des degrés-jours de chauffage. Pour la climatisation, rien que pour les immeubles de bureau, il faut s’attendre à une augmentation de 300 % de la consommation d’énergie de réfrigération. Ainsi, la consommation d’énergie des bâtiments continuera à augmenter à l’avenir.

«L’importance de la protection thermique estivale des bâtiments et de l’aération nocturne augmente fortement» déclare Frank. Des façades de bâtiment foncées peuvent être protégées d’une surchauffe excessive par des plantes ou une peinture claire. Dans les bâtiment d’habitation, en été une aération nocturne  permet de maintenir la température intérieure dans le «domaine de confort» sans climatisation supplémentaire –  à l’exception des étés extrêmement chauds, tels que celui de l’année 2003, où l’aération nocturne est confrontée à ses limites.

Dans la construction d’immeubles aussi, il faudra à l’avenir tenir compte du changement climatique et de l’augmentation des événement météorologiques extrêmes, déclare Frank. «Il est nécessaire de développer des scénarios de données météorologiques pour ces événements extrêmes afin de pouvoir planifier des mesures de protection adéquates pour les bâtiments»

Auteur

Daniela Wenger, Lab. Chimie organique,

Contact

Thomas Frank, Lab. Technologies des bâtiments, tél. . 044 823 41 76,

 

 

Que sont les apéros scientifiques?

Lors des apéros scientifiques qu'elle organise régulièrement, l'Académie Empa aborde des thèmes choisis pour leur actualité sur le plan scientifique ou social. Des personnalités des domaines de la science, de la politique et de l'économie y présentent les résultats de leurs travaux et leur point de vue sur le thème traité sous diverses perspectives. Les orateurs se tiennent à disposition des auditeurs pour répondre à leurs questions lors du podium de discussion ou de l’apéritif qui suivent.

Le prochain apéro scientifique aura lieu le 26 juin 2006 et sera consacré au thème
«L’amiante – une danger reconnu ?» `Lieu: Empa, Dübendorf, 16.30 heures.

Les apéros scientifiques sont ouverts aux spécialistes et au public en général; l’entrée est libre.

Le calendrier des manifestations peut être consulté sous: www.empa-akademie.ch/veranstaltungen